Un tout-petit tisse des liens forts avec sa maman et son papa, parfois aussi avec sa nounou. Comment se construisent ces toutes premières relations ? En quoi influencent-elles l’avenir de bébé ? Le spécialiste Blaise Pierrehumbert nous éclaire.

Comment s’établit le tout premier lien entre un bébé et ses parents ?

Blaise Pierrehumbert : Le plus important pour un bébé, c’est de se sentir protégé. Quand il est en situation de détresse (douleur, peur, faim, froid, etc.), il émet des signaux, souvent des pleurs. Si tout se passe bien, ses parents vont savoir décoder ces signaux et apporter une réponse adaptée pour calmer sa détresse. Ces expériences de sécurité comptent beaucoup pour l’enfant, qui va développer par leur biais une relation d’attachement avec ses parents. Il s’agit d’un premier lien fort et réciproque, fondé à la fois sur le besoin de protection du bébé et sur le besoin ressenti par les parents de protéger leur enfant. Cette relation d’attachement pourra, ensuite, se doubler d’un amour filial.

 

Quand apparaît cet amour filial chez le tout-petit ?

Blaise Pierrehumbert : De la naissance à 6 mois, le bébé n’a pas encore de relation différenciée avec les autres. Il reconnaît les personnes, les identifie, mais il accepte tout le monde de la même manière. Il peut y avoir des exceptions mais, en règle générale, c’est entre 6 et 12 mois qu’il commence à établir des relations affectives privilégiées avec ceux qui s’occupent de lui régulièrement. Dès lors, les personnes ne sont plus interchangeables à ses yeux. C’est pourquoi il est plus angoissant pour un bébé de se séparer pour la première fois de ses parents après 6 mois. Cela se fait plus facilement si la rencontre avec les éducatrices de la crèche ou la nounou a lieu dans le premier semestre de vie du bébé.

 

Le tout-petit noue-t-il une relation différente avec sa mère et avec son père ?

Blaise Pierrehumbert : Le lien avec la mère n’est pas exclusif. Le tout-petit peut développer une relation d’attachement avec ses deux parents s’ils répondent tous les deux de façon appropriée à ses besoins. Cet attachement est-il différent envers la mère et le père ? La question resurgit souvent, notamment dans le débat sur la résidence alternée. Quand un couple se sépare, la solution par défaut est de partager la garde des enfants. Certains s’y opposent, prétendant que la relation d’attachement avec la mère est trop importante pour que l’enfant en soit privé la moitié du temps. D’autres affirment que la relation avec le père est tout aussi importante. La théorie n’a pas réglé la question définitivement…

 

Un bébé peut-il s’attacher à sa nounou ? Cela pose-t-il problème ?

Blaise Pierrehumbert : L’enfant peut tout à fait nouer une relation d’attachement avec sa nounou ou l’éducatrice de la crèche. Il va ainsi multiplier ses expériences de sécurité, ce qui est très positif pour lui. Les parents qui travaillent beaucoup craignent souvent que leur enfant s’attache davantage à sa nounou qu’à eux, mais il n’y a pas de risque : l’attachement dépend moins du temps passé avec le bébé que de sa qualité, et il peut très bien se partager entre les parents et la nounou sans que cela ne se fasse au détriment de quelqu’un.

 

Les premiers liens d’un bébé ont-ils une influence sur sa vie future ?

Blaise Pierrehumbert : Oui ! Un tout-petit qui a eu des relations sécurisantes avec ses parents est sûr qu’ils reviendront toujours. Cette certitude lui permettra de se séparer d’eux avec moins d’angoisse, pour aller à la crèche, par exemple. Il aura aussi probablement plus de facilité pour comprendre ses propres émotions et celles des autres. Dès l’enfance, mais aussi dans son adolescence et à l’âge adulte, cela l’aidera à s’engager dans des relations sociales équilibrées. De plus, il aura sûrement tendance à avoir une meilleure estime de lui-même. Il n’y a toutefois pas de déterminisme : ce n’est pas parce qu’un enfant n’a pas eu une relation sécurisante avec ses parents qu’il aura forcément des problèmes dans sa vie d’adulte ! Des événements peuvent changer la donne tout au long de sa vie.

 

Peut-on « réparer » une relation parent-bébé mal commencée ?

Blaise Pierrehumbert : Peut-être… La première année de cette relation est très importante. Par exemple, si une mère dépressive n’arrive pas à répondre aux besoins de son bébé quand il pleure au cours de sa première année, il y a un risque que cet enfant ne puisse pas développer une relation d’attachement avec elle. Mais si elle finit par aller mieux et devient plus disponible pour lui, je pense qu’il y a des possibilités de remédiation. On ne peut

Blaise Pierrehumbert est docteur en psychologie, spécialiste de la théorie de l’attachement. Il a été directeur de recherches et enseignant à l’université de Lausanne.

La théorie de l’attachement

Développée par le psychanalyste britannique John Bowlby dans les années 1950 et 1960, cette théorie est fondée sur l’idée qu’un bébé, dans sa première année de vie, s’attache aux personnes qui répondent à ses besoins de façon continue et adaptée et qui lui procurent un sentiment de sécurité.

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