Phtalates, bisphénol A, parabènes… Les perturbateurs endocriniens sont partout, autour de bébé, et soulèvent de nombreuses interrogations ! Que sont-ils vraiment ? Quel est leur impact sur la santé et le développement des tout-petits ? Comment s’en protéger ? La spécialiste Patricia Bartaire nous éclaire en dix questions-réponses.

.

1- Qu’appelle-t-on « perturbateurs endocriniens » ?

Ce terme désigne les composés libérés dans l’environnement par les activités humaines et capables de dérégler le système endocrinien des animaux et des Hommes (c’est-à-dire l’ensemble des glandes qui sécrètent des hormones dans l’organisme, comme la thyroïde, le pancréas, les ovaires, les testicules, etc.).

.

2- Où se cachent-ils dans le quotidien des bébés ?

Un peu partout ! On en trouve dans les aliments (car les pesticides, les herbicides et les fongicides sont des perturbateurs endocriniens), dans certains plastiques (les jouets, les contenants alimentaires, les biberons…), dans certains meubles (notamment dans les solvants et les colles des meubles en contreplaqué, en aggloméré et en fibres de bois). On en trouve également dans les cosmétiques et dans les couches.

.

3- Comment passent-ils dans l’organisme ?

Les perturbateurs endocriniens, sous forme de minuscules molécules, passent par notre peau si nous sommes en contact avec eux, par notre intestin si nous les ingérons ou par nos poumons si nous les respirons.

.

4- Comment perturbent-ils le fonctionnement du corps ?

Même en très petite quantité, les perturbateurs endocriniens interagissent avec notre système hormonal. Ils peuvent bloquer son fonctionnement normal, en prenant la place des hormones dans l’organisme, en les imitant, en les modifiant ou en empêchant leur action. Cela peut avoir un impact négatif sur certaines fonctions de l’organisme comme la croissance, le développement sexuel, le développement cérébral, la reproduction…

.

5- Les perturbateurs endocriniens peuvent-ils causer des cas de puberté précoce chez l’enfant ?

Plusieurs études scientifiques montrent en effet qu’ils peuvent être en cause dans le développement de certaines pubertés précoces (développement des seins avant 8 ans chez la fille ou modification des testicules avant 9 ans chez le garçon). Toutefois, il existe plusieurs causes possibles lorsqu’une puberté précoce apparaît : un bilan médical est toujours nécessaire !

.

6- Quel est leur impact sur le développement du cerveau des bébés ?

Il y a, pour l’instant, moins d’études disponibles pour connaître exactement l’impact des perturbateurs endocriniens sur le développement du cerveau des enfants, mais il est possible que cela favorise l’hyperactivité, certaines anomalies du comportement alimentaire, une diminution du QI et des troubles de la communication. Des études sont en cours et d’autres doivent être menées prochainement pour pouvoir répondre plus précisément à cette question.

7- À quel âge est-on particulièrement vulnérable ?

À tous les âges, et particulièrement pendant la vie fœtale !

.

8- Pourquoi parle-t-on d’« effet cocktail » ?

Parce que nous vivons actuellement dans un environnement qui contient de très nombreux perturbateurs endocriniens, souvent en petite dose mais qui s’accumulent dans notre organisme. Ces différents perturbateurs endocriniens, lorsqu’ils se retrouvent ensemble, peuvent avoir des actions qui se potentialisent les unes avec les autres : c’est ce qu’on appelle l’ « effet cocktail ».

.

9- Quelle est la réglementation actuelle en France, concernant les perturbateurs endocriniens ?

La réglementation française ne cesse d’évoluer à ce sujet, mais assez lentement en raison des enjeux économiques qui y sont associés. On peut néanmoins noter que, depuis 2014, la présence de bisphénol A est interdite dans les objets destinés aux enfants de moins de 3 ans et que, depuis 2017, l’utilisation des produits phytosanitaires (pesticides, herbicides, etc.) est interdite dans les lieux collectifs. La vente des produits phytosanitaires (comme le Roundup par exemple) doit être interdite en 2019 dans les magasins accessibles au public. La réglementation au sein de la Commission Européenne est également très lente et largement insuffisante aujourd’hui.

.

10- Quels bons réflexes les parents peuvent-ils adopter pour protéger leurs enfants des perturbateurs endocriniens ?

Le premier réflexe est de se renseigner régulièrement sur le sujet pour connaître les résultats des nouvelles études au fur et à mesure. Il y a aussi quelques bons gestes à adopter pour limiter la présence de perturbateurs endocriniens dans l’environnement proche de son enfant. Pour l’alimentation par exemple, je conseille de choisir des produits issus de l’agriculture biologique sans traitement phytosanitaire et, lorsque ce n’est pas possible, d’éplucher largement les fruits et légumes. Evitez les produits alimentaires transformés et préférez plutôt des produits bruts à préparer soi-même. Les contenants alimentaires en plastique sont également à éviter et, surtout, ne les utilisez pas pour contenir des aliments à chauffer ! Privilégiez les plats et les biberons en verre ou en inox, qui restent stables à la chaleur. Pour la chambre de l’enfant, je conseille de choisir des meubles en bois massif ou des meubles d’occasion dont les solvants et les colles se sont déjà en partie évaporées. De plus, faites attention au choix des peintures et revêtements, aérez la chambre de votre enfant régulièrement et limitez les jouets en plastique. Concernant les cosmétiques, il vaut mieux limiter leur usage au strict minimum et choisir des produits très simples avec peu d’ingrédients. Il est également possible de préparer soi-même certains cosmétiques avec des produits naturels.

.

Pour aller plus loin sur le sujet des perturbateurs endocriniens : https://www.inserm.fr/layout/set/print/thematiques/sante-publique/dossiers-d-information/les-perturbateurs-endocriniens

.


Le Dr Patricia Bartaire est pédiatre endocrinologue à Lille. Elle a répondu aux questions de Picoti en concertation avec l’association AFPEL (Association Française des Pédiatres Endocrinologues Libéraux).


.

Dossier réalisé par Élise Rengot

Illustration : © Clothilde Delacroix