Thierry Dedieu est auteur illustrateur jeunesse depuis une vingtaine d’années, avec pas moins de 160 albums à son actif. En 2015, il a créé la collection « Bon pour les bébés » (Seuil jeunesse), une série de grands livres en noir et blanc, aux textes plutôt inattendus. Résultat de ce pari audacieux ? Un succès incontestable chez les 0-3 ans ! 

 

Comment êtes-vous devenu auteur illustrateur pour enfants ?

Je ne m’y attendais pas du tout ! Il y a vingt ans, je travaillais comme rédacteur dans une agence de publicité. Un jour, un client m’a demandé d’inventer un conte de Noël, qui devait être lu sur Europe 1. Finalement, mon texte n’a pas pu être diffusé à la radio et j’ai trouvé cela dommage. J’ai donc décidé de l’illustrer et de le proposer à des éditeurs. C’est devenu l’album Petit Soldat Noël, aux éditions Albin Michel. Avec ce premier conte, j’ai découvert que faire des albums pour enfants me plaisait beaucoup ! J’ai continué à faire de la pub en parallèle pendant longtemps mais, depuis 2004, je me consacre pleinement à la littérature jeunesse, parce que c’est ce que j’aime vraiment faire.

Quelle est votre source d’inspiration ?

Je me laisse une totale liberté dans mes choix de sujets ! Je ne sais pas comment les idées viennent : l’inspiration peut partir d’une photo, d’un article de journal, d’une discussion avec un copain… Quand j’ai l’idée, je commence par écrire le texte en entier. Je cherche ensuite ce que cela peut donner graphiquement.

Vous changez très souvent de style d’illustration. Pourquoi ?

Je pense que c’est une déformation professionnelle ! Dans la pub, je cherchais des idées de textes pour les affiches et je me demandais ensuite quelle était la meilleure technique pour les réaliser et les mettre en valeur. Cela changeait à chaque fois. Je continue à travailler comme cela et je change donc souvent de technique : cela peut être du dessin à l’ordinateur, des petits décors que je photographie, des papiers découpés, de la gravure… Ce qui m’intéresse, c’est de trouver la technique d’illustration qui correspond le mieux à l’histoire que j’ai écrite.

Pourquoi avoir choisi le noir et blanc pour la collection « Bon pour les bébés » ?

Parce que je voulais faire des livres vraiment destinés aux tout-petits ! Je me suis rendu compte que les pédopsychiatres parviennent tous à la même conclusion dans leurs articles : les bébés voient mieux les contrastes forts. J’ai donc décidé de prendre le plus gros contraste qui soit : le noir et blanc. C’est comme une petite révolution dans la littérature jeunesse ! Les albums pour tout-petits sont généralement très colorés, dans les librairies, mais ce n’est pas fait exprès pour les enfants : les couleurs sont surtout là pour plaire aux parents. Ils ont tort de penser qu’il faut de jolies couleurs pour leur bébé car, en fait, il ne les voit pas bien !

Et pourquoi de si grands formats (28 x 38 cm) ?

Pour le format, j’avais deux possibilités : des livres très petits pour que les enfants puissent les manipuler et tourner les pages eux-mêmes, ou alors très grands. Pendant mes recherches, les bibliothécaires m’ont dit que la plupart des bébés adorent Le Plus Grand Livre du monde (qui fait 40 x 60 cm), même si, parfois, c’est pour faire des cabanes. Les petits arrivent à peine à le porter mais cela les attire !

Comment avez-vous choisi les textes de ces albums ?

Les pédopsychiatres expliquent qu’avant de savoir parler les tout-petits écoutent la langue comme on écoute de la musique. On peut très bien être séduit par une chanson sans en comprendre les paroles. J’ai donc choisi des textes très différents : un virelangue, une comptine, de la grande littérature, puis un texte qui sort encore plus de la norme avec le théorème de Pythagore. Le fond n’est bien sûr pas compris par les tout-petits. Mais de toute façon, un bébé ne comprend pas plus un théorème de maths qu’une comptine ! C’est un peu comme si on faisait écouter du Beethoven à un tout-petit pour lui faire découvrir la musique, même si l’on sait très bien qu’il ne connaît pas le solfège.

Avant parution, vous avez testé vos albums dans des crèches. Comment cela s’est-il passé ?

Une fois que j’ai eu l’idée de ces livres en noir et blanc, j’ai rencontré une bibliothécaire à la médiathèque départementale du Gers. Elle m’a proposé de tester mes « ovnis » avant parution. Pendant un an, nous sommes allés dans des crèches avec des livres en couleurs et les miens, et on a laissé les tout-petits choisir ce qu’ils voulaient qu’on leur lise. On était un peu anxieux, car les tests auraient pu mal se passer… Mais les pédopsychiatres ne se sont pas trompés : les enfants ont largement préféré le noir et blanc. Ils ont très bien réagi aux images et aux textes !

Les tests en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=EiFtfoXIPhI