Par tradition, le Québec tout entier déménage le 1er juillet. Pas moins de 200 000 familles quittent ainsi leur domicile lors du fameux « jour national du déménagement » ! En France, pas de date établie, mais l’été reste la période la plus propice au changement de logement. Vous êtes dans ce cas ? Alors ce dossier est fait pour vous ! Mais attention : il n’est pas question ici de méthodologie pour remplir vos cartons ! En revanche, Harry Ifergan, psychologue et psychanalyste, vous explique pourquoi il est important d’anticiper et de préparer ce saut dans la nouveauté pour votre bébé. La rentrée n’en sera ensuite que plus belle… et plus zen !

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Quel est l’effet d’un déménagement sur le bébé ?

Harry Ifergan : Un déménagement implique une perte de repères importante pour le tout-petit, notamment parce que les meubles, les jouets et les odeurs qui l’entourent sont chamboulés. Dès ses premiers jours, le bébé a un odorat très sensible grâce auquel il va vite reconnaître ses parents, son biberon, son doudou, son lit, etc. ainsi que les pièces de la maison où il vit, en particulier sa chambre. Ces odeurs connues lui servent de repères. Elles le calment et le rassurent, tout comme d’autres sensations de son quotidien : le toucher d’une moquette, la couleur d’un mur… Lors d’un déménagement, une partie de ces références visuelles, tactiles et olfactives, sont perdues, ce qui peut être perturbant et stressant pour l’enfant.

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Comment limiter ce bouleversement ?

H. I. : Pour que le chamboulement ne soit pas total, il est important que certaines références de l’enfant perdurent par ailleurs. Par exemple, on peut conserver les mêmes objets du quotidien et les mêmes meubles de chambre. De même, je conseille aux parents de garder, si possible, les mêmes habitudes, car ils sont la première des références pour leur tout-petit !

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Une ancienne vie à ne pas effacer

  • Pour éviter que le déménagement ne soit vécu comme une rupture trop brutale, vous pouvez garder le contact avec certaines anciennes connaissances de votre enfant. Avant trois ans, ses attaches relationnelles sont encore souvent légères. Toutefois, la nounou, les puéricultrices de la crèche, certains voisins et quelques meilleurs copains peuvent représenter des repères stables. Il peut être rassurant, pour votre tout-petit, de les revoir de temps en temps… même s’il se fera assurément de nouveaux amis après le déménagement !
  • Vous pouvez également préparer un album souvenir pour votre bébé avec des photos des différentes pièces de l’ancienne maison, ainsi que de l’ancienne garderie, de ses copains, de sa nounou… Cela lui permettra, plus tard, de fixer des images précises sur ses souvenirs, ce qui peut le sécuriser et l’aider à mieux se lancer dans sa nouvelle vie !

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Le stress des parents a-t-il une influence sur le bébé ?

H. I. : Les changements d’environnement peuvent affecter le bébé, mais c’est essentiellement la manière dont ses parents considèrent le déménagement qui déterminera la façon dont l’enfant va le percevoir lui-même. Il le vivra mieux si ses parents sont ravis de déménager. Si, au contraire, ils sont inquiets ou très affectés, l’enfant le sera probablement aussi. Le mieux est donc de parler à votre tout-petit du déménagement en des termes simples et positifs, et de partager avec lui votre joie si l’événement est heureux pour la famille. Si les circonstances sont plus difficiles (divorce, deuil…), il ne s’agit pas pour les parents de faire semblant d’être enthousiastes, mais de rester cohérents avec leurs propres émotions : expliquer pourquoi il faut déménager tout en assurant que la famille va s’adapter à la nouvelle maison. Les enfants sont résistants et ont la capacité de s’accommoder des changements. Ce qui les fragilise le plus, ce sont les doutes, les inquiétudes et les incohérences de leurs parents.

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Faut-il faire participer le tout-petit ?

H. I. : Oui ! À cet âge, l’enfant ne prend pas part aux visites ni aux décisions mais, une fois le nouveau logement choisi, il est préférable qu’il le découvre dans de bonnes conditions ! Ses parents l’accompagnent pour une première visite et peuvent, par exemple, lui décrire comment sera chaque pièce quand elle ne sera plus vide ou en chantier. L’important n’est pas que le bébé comprenne tous les mots, mais qu’il sente l’attitude bienveillante de ses parents afin que, peu à peu, le nouveau lieu devienne porteur d’affects positifs. Il vaut mieux que l’enfant soit présent, au moins quelques minutes, lors du déménagement et de l’emménagement, pour qu’il voie les changements et puisse s’y projeter. Une fois dans le nouveau logement, il peut déballer tout seul certains jouets et dire où il aimerait les installer. Avec ses parents, il peut aussi participer à quelques petites installations faciles, comme poser les coins protecteurs sur les meubles, afin qu’il se sente pleinement utile.

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Comment l’aider à s’approprier sa nouvelle chambre ?

H. I. : Il faut en parler avec l’enfant et l’impliquer : on peut, par exemple, lui montrer d’avance la peinture ou les rideaux qu’on a choisis pour sa chambre. Même très petit, il doit voir où sont placés ses jouets, son lit, ses peluches, etc. pour qu’il sache où se trouvent ses affaires et ne soit pas trop dérouté. La pire idée serait de l’exclure de toute participation et de vouloir lui faire découvrir sa nouvelle chambre déjà réorganisée avec de nouveaux meubles, une fois que tout est fini : cela pourrait le déstabiliser. Par ailleurs, mieux vaut éviter les décorations trop chargées. En voulant faire plaisir à l’enfant, on lui impose un lieu qui ne lui correspondra pas forcément. Pour qu’il s’approprie bien son nouvel espace, on peut réserver quelques murs blancs. Ils vont permettre au tout-petit d’y projeter ce qu’il a en tête, de fantasmer, rêver, imaginer… et donc de mettre un peu de lui dans cette nouvelle chambre.

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Harry Ifergan est psychologue et psychanalyste, spécialiste du développement de l’enfant. Il est l’auteur de Mieux comprendre votre enfant (en version numérique aux éditions Marabout), livre pratique dans lequel il apporte des réponses aux questions les plus fréquentes des parents.


Dossier réalisé par Elise Rengot.

Illustration : © Laurent Simon