Les animaux de compagnie sont environ 63 millions en France, presque autant que la population française, et ce chiffre ne cesse de croître. Remèdes à la solitude pour certains, les animaux répondent sans doute à un besoin affectif pour beaucoup d’adultes. Qu’en est-il pour les enfants ? La spécialiste Marine Grandgeorge répond à nos questions.

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Comment bébé perçoit-il les animaux ?

Marine Grandgeorge : Une étude scientifique, réalisée en 2002, a montré que le bébé était très sensible aux traits du visage, que ce soit des humains ou des animaux. Pendant l’étude, des bébés de 6 mois ont été capables de distinguer deux visages de singes distincts alors même que des enfants plus grands ou des adultes n’y arrivaient pas. Cette faculté semble donc se perdre en grandissant. Mais, entre 9 et 12 mois, l’enfant commence à différencier l’animé de l’inanimé. Durant cette même période de vie, la catégorie « animal » est mise en place. Pour comprendre cela, des chercheurs canadiens ont étudié l’attitude des enfants face à un objet, face à un humain, et enfin face à un animal, tous trois inconnus. Les comportements mis en place par le bébé face à l’animal étaient une combinaison, un assemblage, de ceux provoqués par un objet (recherche rapide de contact, prise en main, peu de sourires) et ceux provoqués par un humain (forte attention de longue durée). Cela montre bien que l’animal est mis dans une catégorie à part, pour laquelle le bébé a un intérêt majeur. Le concept d’animal s’affine avec le temps. Dès l’âge de 2 ans, les enfants adoptent des comportements différents selon les espèces animales  qu’ils rencontrent (chien, lapin ou oiseau). Enfin, si la forte attirance pour l’animal est assez commune vers 2 ans, nous observons vers 3 ou 4 ans une forme de crainte vis-à-vis d’un animal nouveau.

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Quelle relation se tisse entre le tout-petit et l’animal de compagnie ?

M. G. : Dans notre société occidentale, les animaux entourent les enfants dès le plus jeune âge, qu’il s’agisse de figures d’animaux (comme les ours en peluche) ou d’animaux réels. L’animal fait donc partie de leur vie quotidienne et un lien très fort peut vite s’installer entre le jeune enfant et son animal. Dans neuf cas sur dix, les enfants citent l’animal du foyer comme un membre à part entière de la famille.

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Qu’apporte l’animal de compagnie à l’enfant ?

M. G. : L’animal peut être bénéfique pour le développement de l’enfant à tout âge. Chez les tout-petits, les animaux sont source de motivation dans l’apprentissage de la motricité, comme la marche ou le « quatre pattes ». L’enfant va imiter l’animal ou va être poussé à le suivre. L’animal est aussi un moyen d’apprendre des règles de vie : respecter des moments de calme (quand l’animal veut se reposer), adapter ses gestes, ne pas être brutal… De fait, cela aide l’enfant à grandir. L’animal a aussi un grand rôle affectif. Le tout-petit peut prendre confiance en lui dans les activités qu’il va réaliser avec son animal, comme lancer une balle, donner une consigne pour que l’animal lui obéisse. C’est une forme de récompense ! Ce rôle de petit « maître » va ainsi donner beaucoup de confiance intérieure à l’enfant. Enfin, l’animal est aussi pour l’enfant un confident, un ami, qui ne juge pas et qui apporte tendresse et consolation si besoin.

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Les parents doivent-ils prendre des précautions particulières ?

M. G. : Bien entendu, la cohabitation entre un animal et un tout-petit ne doit pas se faire dans n’importe quelles conditions. On ne laissera jamais un jeune enfant seul avec un animal, aussi gentil ou docile qu’il puisse paraître. Si l’animal est stressé, ne se sent pas bien et a des comportements inquiétants, c’est à l’adulte de savoir repérer ces signes, et non à l’enfant, qui ne sait pas encore les décrypter. Le parent, ou tout adulte, a un rôle d’éducation à ces moments-là, comme lors de situations plus globales : par exemple, ne pas caresser son chien ou son chat pendant qu’il mange. De même, l’adulte doit apprendre très tôt à l’enfant à respecter des règles d’hygiène toutes simples, comme se laver les mains après avoir manipulé un animal.

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Et dans les crèches ?

Il existe actuellement en France de nombreuses initiatives d’introduction d’animaux en crèche. L’une d’elles, Patouille et compagnie, en Bretagne, a notamment reçu les lauriers de la Fondation de France 2016,
qui récompense des initiatives originales autour du vivre ensemble et de l’éducation.

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Marine Grandgeorge est maître de conférences en éthologie animale et humaine à l’université de Rennes 1. Spécialiste de la relation humain-animal, elle étudie également les bienfaits de la présence animale auprès d’enfants autistes.


Dossier réalisé par : Émilie Bélard

Illustration : © Clothilde Delacroix