À Picoti, nous savons que les bébés adorent jouer à coucou-caché. Pourtant, ce n’est pas seulement pour le plaisir de nos petits lecteurs que nous y consacrons une rubrique chaque mois ! C’est aussi parce que, répété à l’envi, ce jeu d’apparence si anodine est essentiel pour leur développement. Explications de la psychologue Sophie Marinopoulos.

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Quel est l’intérêt du coucou-caché pour bébé ? 

Sophie Marinopoulos : C’est un jeu qui fait grandir, rien de moins ! Quand on joue à coucou-caché avec un tout-petit, on ne fait pas que l’occuper ou l’amuser : on est pleinement acteur de son développement. Les parents ne mesurent pas toujours à quel point ce jeu, apparemment tout simple, aide leur bébé à faire des liens entre lui et le monde qui l’entoure, et à se construire psychologiquement. Le coucou-caché prend tout son sens à partir de 12-18 mois : cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas y jouer avant, mais c’est à partir de cet âge que l’enfant commence à acquérir, grâce au coucou-caché, la notion de permanence de l’objet. Il comprend que le jouet ou la personne qu’il ne voit pas ne disparaissent pas pour autant. Petit à petit, sa représentation mentale se met en place et l’enfant sait de mieux en mieux garder l’idée de l’autre en lui, quand cet autre n’est pas là.

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En quoi cela l’aide-t-il à devenir plus autonome ?

S. M. : En se cachant les yeux, le tout-petit expérimente la « disparition » des objets… mais aussi, dès qu’il se sent assez courageux pour cela, de ses parents. La question de savoir si Papa et Maman existent toujours quand il ne les voit plus est centrale dans le développement du tout-petit. Le jeu de coucou-caché lui permet de se rassurer. Cette expérience fondatrice doit beaucoup se répéter pour que le bébé l’intériorise. Elle finit par lui donner la certitude qu’il ne perdra pas ses parents, l’assurance, par exemple, que quand il joue seul dans sa chambre, ses parents existent toujours dans la pièce d’à côté. Ainsi sécurisé, le tout-petit pourra devenir fort psychologiquement et dépasser ses angoisses de séparation, ce qui est indispensable pour bien grandir et devenir autonome.

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Pourquoi le coucou-caché fait-il rire les bébés ?

S. M. : C’est vrai que cela les fait beaucoup rire… mais pas au début ! Le bébé qui joue à coucou-caché pour la première fois est très craintif : son geste est mal assuré, son visage est un peu interrogateur, un peu inquiet. D’ailleurs, il commence souvent par mettre ses doigts en paravent, bien écartés devant ses yeux, pour ne perdre de vue que des petits « bouts » de ses parents. Peu à peu, il comprend que quand il ne les voit plus en entier, ils restent quand même entiers. L’enfant devient alors de plus en plus téméraire, jusqu’à oser perdre complètement de vue son papa ou sa maman… mais pas plus d’une seconde ! Il s’assure très vite qu’ils sont toujours là. Au fur et à mesure qu’il expérimente ce jeu, le bébé y prend de plus en plus de plaisir, car il le maîtrise de mieux en mieux. C’est seulement quand il réalise qu’on joue à ne pas se voir, et qu’on ne se perd pas en réalité, que le coucou-caché le fait éclater de rire.

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Si le coucou-caché inquiète le bébé au début, comment surmonte-t-il cette peur ?

S. M. : En procédant par étapes ! Souvent, vers 8 ou 9 mois, le bébé manipule des scratchs sur son tapis d’éveil : il les soulève pour voir l’image qu’il y a en dessous, puis les replace pour cacher l’image. Il expérimente d’autres jeux en parallèle : il cache un bout de sa main ou son visage en mettant un tissu sur sa tête, il dissimule son doudou dans son dos, etc. Le bébé passe aussi généralement par une autre étape préalable : le jeter-ramasser. Assis sur sa chaise haute, il est mis un peu à distance du corps de son parent et cette sensation est nouvelle pour lui. Il va alors jeter un objet au loin, que le parent va aller ramasser et lui rapporter. L’enfant va le faire et le refaire pour voir son parent s’éloigner et pour s’apercevoir qu’il a la capacité de le faire revenir près de lui à chaque fois. Il apprivoise cette première incertitude, sans perdre de vue son parent, et cela lui permet ensuite d’être assez courageux pour jouer à coucou-caché avec lui.

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Et le cache-cache ?

« C’est un jeu pour les plus grands, explique Sophie Marinopoulos. Avec le cache-cache, on se quitte spatialement et c’est une grande différence avec le coucou-caché. Il faut avoir au moins 3 ou 4 ans pour être capable de changer de pièce et de perdre complètement de vue son parent en sachant qu’il n’est pas juste à côté. » Un tout-petit entraîné dans une partie de cache-cache, par des frères et sœurs plus grands par exemple, pourrait donc être un peu effrayé. « Idem à la plage, ajoute la psychanalyste. Avant 3 ans, enterrer son bras dans le sable peut être assez impressionnant. Le tout-petit pourrait se mettre à pleurer, croyant que son bras a disparu ! »


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 Sophie Marinopoulos est psychologue et psychanalyste, spécialisée dans les questions de l’enfant et de la famille. Elle a fondé le service de Prévention et de Promotion de la Santé Psychique, à Nantes, ainsi que le lieu d’accueil parents-enfants « Les Pâtes au beurre ». Elle a écrit Dites-moi à quoi il joue, je vous dirai comment il va et Écoutez-moi grandir, aux éditions Les Liens qui Libèrent.


Dossier réalisé par Elise Rengot

Illustrations : © Laurent Simon